On dit de Mozart que le silence qui suit la dernière note d'une de ses compositions est encore de lui. Qu'en est-il quand aucune note ne précède le silence ? Les talibans, de si grands humanistes devant aucun éternel, ont inventé une dernière aberration pour museler celles dont ils ont si peur : les femmes n'ont plus le droit de parler dans les lieux publics ou dans la rue. Le silence leur est imposé. Un degré de plus dans l'abjecte vision qu'ils ont de la femme. Là-bas on interdit la parole, ici, c'est un autre silence qui s'est imposé. Celui que se sont infligé les victimes d'un homme qu'on a, à juste titre, considéré comme quelqu'un de bien, c'est aussi le silence de ceux qui savaient et qui n'ont, une nouvelle fois, rien dit... Pourquoi donc ces silences qui deviennent si assourdissants quand la parole se libère ? Il y a ces silences qui interpellent. Ceux de Gisèle Pelicot toutes ces nuits où des hommes, si ordinaires et bien loin des talibans et de leurs délires atroces, la violaient avec la complicité ignominieuse de son mari, des silences que ces hommes ne voulaient surtout pas entendre. Il y a les silences que l'on rompt, en Iran, en Afghanistan même si c'est un chuchotis et ici quand Gisèle Pelicot prononce des mots pour dire toute l'horreur vécue, jeter l'opprobre sur ces hommes, sur un abbé, sur tous ceux qui ne voient les femmes que comme des proies, des objets de chair mis à leur disposition... Ceux-là devraient se plonger dans le silence, absolu.
Publié le 23/09/2024
Mis à jour le 23/09/2024
Silence
Lionel Robin