Réaliser une unité de méthanisation ne s'improvise pas et nécessite de respecter des étapes clefs pour pérenniser le projet. C'est pour répondre aux enjeux de transition écologique que le Sommet de l'élevage, qui s'est déroulé du 1er au 4 octobre à Cournon-d'Auvergne, a organisé une série de conférences dont une justement sur la méthanisation. Une table ronde à laquelle ont participé la Banque de la transition énergétique, GRDF et la société Solagro.
Le premier point de la réunion s'est concentré sur les facteurs clefs de la réussite d'un projet de méthanisation. « Il faut tout d'abord distinguer les deux types de projet de méthanisation. Il existe la méthanisation en injection ou en cogénération. En ce qui concerne les projets en injection, la technologie est assez récente puisque les premiers projets ont débuté en 2015. Désormais, 700 méthaniseurs injectent dans les réseaux, ce qui équivaut à deux réacteurs nucléaires. 80 % de ces 700 méthaniseurs ont été réalisés par des agriculteurs », présente Pierre Larrive, ingénieur d'affaires biométhane chez GRDF. Pour ce dernier, le site d'implantation est primordial pour éviter les problèmes d'acceptabilité par la population.
« Il y a d'un côté la relation avec les riverains mais aussi une problématique technique liée au plan d'approvisionnement. Il faut que la ressource organique mobilisable soit à proximité de son projet. Il est essentiel de ne pas avoir à transporter sa biomasse sur plusieurs kilomètres. Dans le plan d'épandage, il faut réfléchir au débouché pour le digestat. Sur le plan économique, le plus important est d'étudier la distance entre le projet de l'unité de méthanisation et le réseau pour limiter les coûts de raccordement. Enfin, le mode de gouvernance de ces projets fait aussi partie des éléments clefs à prendre en compte tant en phase de construction qu'en période d'exploitation », ajoute Pierre Larrive.
L'importance d'une bonne communication
Ce dernier a insisté sur « l'importance de bien expliquer la pertinence agronomique de son méthaniseur aux riverains ». Des levées de boucliers peuvent se faire jour parfois simplement par manque de connaissance. « Lorsqu'on se lance dans ce type de projet, il ne faut pas se dire qu'on va y passer seulement quelques heures par jour. C'est un métier à part entière dans la ferme, qui nécessite sans doute l'embauche d'une personne supplémentaire pour gérer la méthanisation », estime l'ingénieur de GRDF. « Une fois ces grands principes énoncés, vient l'étape de l'étude de faisabilité. L'un des points d'attention se situe au niveau de la ration et du niveau des intrants que l'agriculteur ou la structure est capable de maîtriser. Il faut savoir que ce taux de détention des intrants est un critère d'éligibilité aux aides à l'investissement », explique avec précision Thomas Filiatre, accompagnateur de projet de méthanisation chez Solagro.
Il a attiré l'attention des spectateurs sur la notion des cultures intermédiaires à vocation énergétique, qui sont récoltées pour être utilisées en tant qu'intrants dans une unité de méthanisation agricole. « Si les porteurs de projets souhaitent intégrer des cives dans le système cultural, il ne faut pas oublier que l'objectif est avant tout de la production alimentaire humaine ou du fourrage pour le bétail. Il ne faut pas déséquilibrer le système en prenant l'intégralité des surfaces pour maximiser les rendements. Il y a derrière des enjeux de biodiversité qui s'inscrivent sur 15 ans », met en garde Thomas Filiatre.
Investir dans la maîtrise d'ouvrage
Désormais, selon lui, « la quasi-totalité des projets de méthanisation se fait en injection en raison d'un tarif de rachat qui n'a pas été révisé depuis 2011 pour la cogénération ». Par ailleurs, la phase de l'étude de faisabilité sert aussi aux gestionnaires du projet pour monter en compétence. « En Nouvelle-Aquitaine, vous ne pouvez pas accéder aux aides à l'investissement sans être passé par un parcours de formation sur des aspects techniques, réglementaires ou agronomiques », ajoute le chef de projet méthanisation. Ensuite, lorsque vient la phase de développement, Thomas Filiatre conseille de ne pas négliger le recours au maître d'œuvre. Un « bon investissement » qui permet d'avoir l'assurance que le projet aille à son terme.
« L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie finance les premières missions d'un maître d'œuvre dans un dispositif d'accompagnement. Une prise en charge de 70 % est possible dans la limite de 100 000 €. De notre côté, nous considérons que c'est un prérequis et que ça rend service aux porteurs de projet », précise-t-il.
Obtenir rapidement le permis de construire
Comme chaque projet, la réalisation d'une unité de méthanisation nécessite l'obtention d'un permis de construire délivré par la préfecture puisqu'il s'agit d'une autorisation délivrée par l'État.
« Il est primordial d'obtenir rapidement son permis de construire pour pouvoir négocier ensuite le tarif d'achat biométhane avec GRDF. Cela a une importance car il faut savoir que le tarif baisse mécaniquement de 0,5 % tous les trimestres », avertit Thomas Filiatre. En ce qui concerne le financement, ce dernier précise qu'il existe trois sources. Tout d'abord les capitaux propres du porteur de projet, en sachant que l'investissement déjà consenti pour le développement du projet peut être pris en compte par les banques pour évaluer la valeur du projet. En général, celles-ci demandent entre 15 et 20 % de fonds propres pour le financement. « Il est également possible d'avoir recours à des fonds citoyens via les financements participatifs. Cela peut être un moyen d'impliquer la population dans ce projet d'autant que le rendement, certes plus risqué, est supérieur à celui du livret A », précise le chef de projet méthanisation. Enfin, dernière source de financement possible : les subventions. Elles sont définies de manière précise en €/kWc (kilowatt-crête) avec une prise en compte de la rentabilité du projet. De manière générale, on trouve l'Ademe, les Régions, le Feader (fonds européen).
La dernière étape est celle du démarrage de l'outil de production. Tous les experts autour de la table se sont accordés à dire qu'il est nécessaire de réfléchir de nouveau à l'organisation des assolements près d'un an avant la date théorique de démarrage de l'unité de méthanisation. Une phase qui va permettre aussi de faire du stock pour la montée en puissance de l'outil.