"Debout donc, femmes françaises. Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille. Il n'y a pas dans ces heures graves de labeur infime : tout est grand qui sert le Pays", avec ces mots, aux accents patriotiques, le président du Conseil René Viviani a interpellé les femmes françaises le 4 août 1914. L'exposition au musée de la Résistance "Entre ombre et lumière, les femmes à l'épreuve de la Grande Guerre (1914-1918)", démarre donc sur ce rappel historique.
Les paysannes en première ligne
La guerre a transformé la vie des femmes. Malgré elles, les femmes françaises ont pris une part indéniable dans la première guerre mondiale. En premier lieu, les femmes paysannes. "Les femmes prennent conscience qu'il va falloir récolter, et puis commencer les vendanges et ensuite resemer pour les années suivantes. Nourrir la famille et acheminer les provisions pour le front", explique Agnès Peyronnet, chargée de la communication au musée de la Résistance. Les femmes ne se sont pas contentées d'être des mères, des épouses, ou des fiancées en attente de l'être aimé, elles ont joué un rôle essentiel en prenant le relais des hommes. "Le pays a continué de tourner grâce au travail des femmes", souligne un couple de visiteurs. Mais avaient-elles le choix ? Pas tellement, c'est ce que montrent les différentes affiches. "Plus de trois millions de paysannes relevèrent le défi, pour une raison simple. Personne n'avait le choix. Il y allait de la survie alimentaire de la famille dans l'immédiat et pour l'année à venir." À ce fardeau s'ajoutent le chagrin et la tristesse de la perte. On compte plus de 700 000 veuves et un million d'orphelins à la fin du conflit.
Les femmes font leur preuve
En faisant face à une situation inédite, les femmes ont dû apprendre à faire tourner le foyer et s'impliquer dans tous les secteurs d'activité qui leur étaient inaccessibles jusqu'à 1914. Elles ont pu quitter la sphère privée qui leur a été assignée de par leur genre. Leur participation active dans la prise de décisions contribuera plus tard à faire avancer le statut de la femme dans le monde du travail. On les trouvait conductrices, ramoneuses, factrices, garçons de café, bouchères, livreuses, cheffe d'exploitation, ou encore, employée de presse, etc.
"C'était un pas de fait dans la tête des femmes"
"Il a fallu des décrets de préfecture pour autoriser les femmes à faire ces métiers", précise Agnès Peyronnet. Le fait que la femme a dû exercer des métiers réservés à la gent masculine a progressivement changé le regard que l'on porte sur elle. Aussi, "c'était un pas de fait dans la tête des femmes", complète-t-elle. Mais toutes ces preuves n'ont pas empêché certains syndicats comme la CGT, lors du congrès en 1917, d'affirmer que la place de la femme est au foyer. "Dans le monde rural d'autrefois, il y a eu un changement dans la perception, une admiration secrète pour l'épouse qui a su gérer la ferme ou la boutique", souligne Annie Martin, la directrice du musée. "Cette évolution de mentalités ne s'est pas faite en un jour." L'exposition montre par ailleurs toutes les sphères dans lesquelles les femmes ont été impliquées : les professionnelles de l'œuvre, les marraines, les infirmières, etc. À ce titre, une tenue d'une infirmière limougeaude, Yseult d'Enjoy y est exposée.
Les graines de l'émancipation
Cette idée d'émancipation des femmes doit être livrée avec prudence. D'ailleurs, l'exposition met en avant la réflexion des historiens sur cette période, celle du "caractère soit provisoire, soit superficiel des changements". Car dès leur retour, les hommes reprennent leur rôle de tuteur légal dans les foyers et les femmes sont invitées à regagner leurs foyers. Certaines se voient attribuer une compensation financière pour céder leur place aux hommes. En définitive, l'expérience de l'autonomie aura permis aux femmes de semer les graines de l'émancipation et permettre à la génération suivante de poursuivre la conquête durable des droits à l'égalité.